Sur la route sanglante

La route n’est pas rouge, mais verdoyante. L’ancienne RC4 pour route coloniale 4 a été rebaptisée QL4A. Et ce n’est pas une ligne droite, contrairement à que ce pourrait suggérer les cartes. Toujours de la (petite) montagne, toujours les pains de sucre calcaires, toujours les champs de maïs ou de riz. Les espaces entre pitons karstiques sont quand même plus espacés, les terrains plats plus grands que ceux vus les jours précédents. Ce serait presque bucolique, mais la présence de paysans et ouvriers sur la route est là pour rappeler que le travail est dur ici aussi.

On n’imaginerait pas les événements qui se sont déroulés ici il y a plus d’un demi-siècle. Le voisin chinois devenu communiste va soutenir activement et massivement les forces indépendantistes vietnamiennes. Jusque là cantonné dans des opérations de guérilla, le Việt Minh va pouvoir mener une opération de grande envergure pour la reprise de leur territoire sur les français, et c’est ici entre Cao Bằng et Lạng Sơn que cela s’est passé. On parle surtout de la célèbre bataille de Điện Biên Phủ parce que c’est la fin, mais le début de la fin est ici.
Le site caobang.fr relate les événements en détail et avec témoignages. Produit par le ministère des anciens combattants côté France, il y a quelques témoignages côté Việt, mais pas assez selon moi. Visionné avant le voyage, je m’étais étonné de l’incongruité de la présence de marocains et sénégalais dans ce conflit. Mais c’est la « logique » de l’empire colonial français. Pas si surprenant, aussi, la présence d’anciens de la wheirmart dans la Légion Etrangère.
L’attaque sera sanglante des deux côtés, mais une fois les fortins-bourgades Đông Khê et Thất Khê pris par les vietnamiens, ce sera le massacre pour les militaires et civils côté français. Acculés sur la route, ils seront obligés de battre en retraite dans la jungle pour y mourir, continuellement chassés, les blessés invalides abandonnés sur le chemin. Il y aura aussi quelques survivants-prisonniers.
Les années d’asservissement, de frustrations et humiliations, de brimades et spoliations… le paiement va commencer là et le « retour du boomerang » va être terrible. Attention, les témoignages du site sont assez durs à entendre.

Les Việt sont opiniâtres et ont une très bonne mémoire de ce qui est dû, mais il sont aussi superstitieux. Je me suis demandé si des fantômes pouvaient hanter cette route et si l’on distinguait encore leurs nationalités. Mais en fait, si l’on suit cette logique, tout le Việt Nam est le territoire des fantômes.

Dans la voiture, Long m’explique que le Việt Minh était au début un regroupement de partis, pas seulement le parti communiste, mais qu’ensuite des purges ont été faites et cette organisation n’a plus eu qu’une seule couleur. J’ai longtemps confondu Việt Minh et Việt Cộng, mais ce n’est pas la même temporalité, ni la même localisation, bien qu’il y ait une continuité politique.

Le chauffeur fait ralentir le véhicule, hésite entre deux voies, et on s’arrête finalement dans une petite ville, au pied d’une colline. Je ne comprends pas au début. A priori, il faut sortir pour une visite. En fait, le nom de la bourgade est différent sur la carte mais on se trouve à Đông Khê, et le sujet de la visite est un ancien fortin français, un des premiers à être reconquis par les forces vietnamiennes. On en a fait un parc mémorial. Quelques murs de l’armée coloniale sont encore là. La terre a tellement été remuée par les bombes, j’ai l’impression que ces murs ont été reconstitués. Un club de musique s’entraîne ici, sans doute pour bénéficier de la tranquilité des lieux. Un cimetière est aussi présent : de nombreuses tombes d’anonymes, et pas seulement de la guerre d’indépendance contre la France, mais aussi de la guerre avec les américains et même celle avec les chinois. Ce cimetière est dédié aux militaires natifs de la région ou morts ici.

Retour dans la voiture et sur la route… Les paysages restent les mêmes. On passe à Thất Khê puis la frontière chinoise se rapproche. L’on voit de plus en plus de camions de transports. Le Ải Nam Quan, porte historique avec la Chine, est alors tout proche. Entièrement reconstruit. Plus de vieille pierre. Il n’offre plus aucun intérêt touristique, sauf à enjamber une marque sur le sol.

De temps en temps, peut être aperçue une ligne de chemin de fer. L’ancienne voie ferrée conçue par les colons français est encore là et en service. Elle part de Hà Nọi, passe par Lạng Sơn, pour aller probablement en Chine.

On arrive à Lạng Sơn en fin de matinée, mais pas directement à l’hôtel. Arrêt devant la grotte Tam Thanh, située à l’ouest de la ville, entre/dans les karstes qui bordent la ville.

Adieu Haute-Platitude !
Soyons zen, les français ne font pas long feu sur cette route.
Entre grosses collines, karsts, petits cols et larges plateaux.

Il y en aura beaucoup.

Arrivée à Đông Khê (district de Thạch An)
Mémorial
Cette hauteur se trouvait le fortin français.
Bunker restant
Et place pour les commémorations
Le bunker est clos.

Réservoir d’avion ?
Lô Cốt numéro 2 (le 1 est derrière). Lô Cốt comme traduction phonétique de Blockhaus.
Souterrain
Je manque de me casser le crâne plusieurs fois.
Il y a un club de musique qui s’entraîne ce dimanche. Ethnie Tày.

Cimetière
Beaucoup de tombes anonymes, les bâtons d’encens sur les soldats inconnus sont apportés par les familles des tombes nommées.

Morts pour la patrie. Différentes guerres (indépendante contre la France, contre les américains, contre la Chine…)
Les papillons pullulent, logiquement, les
chenilles aussi.

Hiệp fait une sieste bien méritée.
Et on repart

Roche rouge déjà rencontrée

Zut, il y a un peu de soleil.

Thất Khê (district de Tràng Định)

Derrière ces montagnes, c’est la Chine.

Petite route menant en Chine.

Grosse route menant en Chine. Par le Ải Nam Quan (Porte de l' »Amitié »)

« Autoroute » encombrée par les gros gamions.
Arrivée à Lạng Sơn