Du côté du parc de Miribel Jonage

Cha me propose de découvrir après un déjeuner quelques lieux du côté du grand parc de Miribel Jonage, banlieue lyonnaise. Nous sommes vendredi et le temps est beau.

Le sud-est asiatique a pris place sur un emplacement discret de la rive nord du lac artificiel. Nommé Mékong Village, les paillotes et conteneurs aménagés forment un carré fortifié. A l’intérieur, ambiance estivale, période creuse donc peu d’affluence à ce moment, les gens ont terminé leur déjeuner. Mobilier hétéroclite de chaises et tables en bois ou plastique, canapés usés d’intérieur, assises dépareillées pour jardin d’été… Un matériel de sonorisation au centre ; cela doit danser le soir ou en fin d’après-midi. Les petits échoppes proposent leurs plats, surtout du thaï et cambodgien. Un atelier de tatouage, un autre de coiffure… Tout est là pour accueillir l’occidental voulant se dépayser à peu de frais sans renier son petit confort. Mais nous n’y restons que quelques minutes, Cha voulant me montrer le second spot.

Laotiens et Vietnamiens ont préféré s’installer ailleurs dans un coin plus calme. De l’autre côté du lac, proche de la carrière. Pas de parking, les voitures sont garées le long de la route large. En fait, c’est le parking qui a été détourné de sa fonction et qui sert de lieu de communauté. Pas d’installation électrique (pas de sanitaires non plus ?). C’est un jour de semaine, c’est peu peuplé, l’affluence est attendue le week-end. Ambiance camping et surtout marché : quelques vieilles dames vendent les fruits et légumes de leur jardins, d’autres leurs spécialités culinaires (j’arrive à comprendre Cha qui demande en tiếng Việt s’il n’y a pas des bánh cuốn, mais la réponse sera demain seulement), les hommes tiennent des cafés improvisés voire des tables de jeux… L’on commerce ici pour se faire un peu d’argent, mais vu les faibles prix, ce n’est pas pour faire fortune. On dirait que c’est pour recréer le lien avec le pays, en parlant la langue du pays, en socialisant à la manière du pays. Une agora Việt.

Une seule vendeuse propose du chè, du très bon et comme au pays ; farandole de petits morceaux de fruits qu’on essaye de deviner, gel coloré vert toujours à base de fruit, lait coco, glaçons d’eau, mélasse indéfinissable. Et toujours peu sucré. Parfait.
L’on prendra ensuite un café glacé dans une échoppe sans murs sous les arbres.

Cha discute et est à l’aise avec tout le monde. Un vieux monsieur viendra taper la discussion. D’origine H’mong, parlant plus le français que le vietnamien, à la retraite et seul, il vient ici chercher du lien social (et de l’alcool si l’occasion se présente). Cha discute poliment et essaye de faire connaissance. J’écoute et répond aux questions.
Mais la discussion se terminera mal. Apprenant que je suis célibataire, l’individu se met dans la tête qu’il faut me trouver une fille. A sa méthode et manière, qui n’est pas du tout celle occidentale. Neurones miroirs et empathie, nous essayons d’imaginer son mode de pensée et de rester polis, mais l’inverse n’est pas vrai. Il reste bloqué dans sa culture, me demandant le niveau de mon salaire. Cash. Car la « fille » est fonction de la paie. Satanée phallocratie. Je suis outré dans mon for intérieur, mais par privilège de l’âge à son égard et par souci vietnamien de ne pas apparaître énervé, je reste calme et posé.

Le vieil homme ira loin dans son petit délire. Cha décide de rentrer, et le vieux me prend à parti directement pour finaliser un accord. Ayant enfin la voix, je refuse poliment et fermement, et me fais traiter de connard.

Sympa. Je me suis demandé par la suite, si le marché de vivres se doublait d’un marché marital, et si les entremetteurs et entremetteuses touchaient une commission lors de ce genre de « transactions ». Mais la leçon à retenir de cette rencontre, c’est la forte probabilité que les gens d’autres cultures, d’autres ethnies, n’ont et n’auront qu’une seule façon de penser : la leur. Cela risque d’être difficile.